(RE)LECTURE
Une performance autour du choeur des esclaves de Verdi
dans le cycle des (re)lectures de La POP (Paris) - Septembre 2020
Durée : 40 min
En septembre 2020, Animal Architecte est invité au cycle des (re)lectures de la POP, la péniche Opéra. Le texte qui suit a été écrit et joué en plein air par Camille Dagen, dirigée par Emma Depoid. Le thème était, pour la saison 2020-2021 : les hymnes.
Texte intégral
“ Bonjour,
Alors voilà,
C’est comme ça que ça commence, c’est le début - enfin le re-début du morceau, le « Va pensiero » de Verdi et le début de la deuxième - lecture, enfin - relecture :
re-relecture, donc.
Alors-
Relecture 1, numéro 2 :
je ne sais pas vraiment chanter, je ne sais pas vraiment jouer d’un instrument. Je ne sais pas danser, ma - connaissance de la musique classique et des règles d’écriture de la musique classique sont minimes, ou - médiocre, enfin disons quelque part entre minime et médiocre - j’ai remarqué d’ailleurs que médiocre paraît souvent plus minime que minime, ce qui est curieux, quand on y pense, pourquoi ? Bon.
Très honnêtement, quand on m’a proposé d’être ici et de faire ça, j’ai réalisé qu’en fait, j’étais un peu démunie. Et pour commencer par être décevante, en fait je ne peux rien re-faire de cette musique. Je peux juste essayer de m’en rapprocher. C’est ça que j’ai fait en répétitions avec Emma, qui est là : on a juste essayé d’écouter, et de faire une récolte, une récolte de tout ce qu’il y avait autour.
Par exemple, ce que j’ai appris,
toi même tu sais, statisticien,
c’est qu’en France, 82% de la population de plus de 15 ans, soit environ 43 millions de personne n’a aucun lien avec la musique classique, et que 44% des personnes qui écoutent de la musique classique tous les jours sont des salariés cadres à 72% diplômés Bac + 2 ou et vivant à 31 % à Paris -
Bref. Bon.
Comme ça s’appelait relecture on a fini par penser que je ferai une lecture. A l’opéra, le bis est très mal vu : relecture. J’ai choisi, on croirait que c’est subi j’ai choisi, sans doute c’est subi aussi, de juste lire,
de lire et de tourner autour,
de lire des choses inscrites tout autour du morceau, comme on tourne autour d’un rocher par temps d’orage ;
on court autour d’un rocher, en répétant les ronds comme un requin naïf, on accélère, et l’on se rapproche. Et on espère qu’à un moment à force de tourner autour on va trouver par où entrer dans le massif de granit de la chanson,
Oui, peut-être qu’à force de tourner - je confonds avec les trompettes de Jéricho je crois-, peut-être la muraille va finir par tomber, il y avait une histoire comme ça, ou alors
simplement,
à force de tourner, de plus en plus vite, on parviendrait à s’envoler - je faisais ça quand j’étais enfant - et trouver prise au sommet du rocher, du gros rocher opératique.
Donc si vous voulez bien, c’est juste ça qu’on va essayer de refaire.
OK. Alors, la première fois que j’ai écouté la chanson de Verdi, en fait je l’ai regardée sur une plateforme de vidéo en ligne.
Sur la vidéo les sous-titres apparaissaient en jaune.
ça parlait notamment du destin de Solime. Je ne savais pas du tout qui était Solime - et je n’ai toujours pas trouvé de réponse certaine à ce sujet. Dans cette mise en scène de l’opéra, les quatre-vingt personnes qui font partie du choeur portaient des tuniques grecques et des sortes de képis. La musique était lente, puissante et - pompière, je crois que c’est le mot qui me venait à l’esprit et aussi j’ai remarqué que ça faisait : « tou, touuu, tou tou / tou tou tou » comme une sorte de - valse ?, enfin ce que moi je m’imagine être une valse, il y a toujours des idées imprécises comme ça dans ma tête, qui rôdent et qui tournent, les valses, les trompettes, les requins …
Et je regarde la vidéo, donc, c’est le chant des esclaves hébreux de Verdi. Avec leurs costumes, les pleureuses et les pleureurs font face aux publics des grands opéras du monde, des salles qui sont comme des conques de coquillages en velours ou des massifs de granit eux-mêmes, et moi je sais que je serai seule sur un quai de la Seine en plein air, à l’origine en plus il devait y avoir une brocante, et tout cela me parait vraiment très, très loin de nous,
de moi - maintenant-
(Temps)
En fait je peux comprendre, pourquoi à l’opéra le bis est très mal venu : dans toute l’histoire de l’opéra Bastille, il y en a eu deux seulement. Il faut s’imaginer la scène, légèrement ridicule : un mélange de gêne et de fierté. Le choeur tout entier vient de chanter son déchirement, ou son extase, le sentiment est si fort que le héros ou l’héroïne n’a pu l’exprimer qu’en le modulant sur les notes les plus extrêmes de sa voix, si puissante ou cristalline, soulevée par la musique, les vagues d’un immense orchestre à l’unisson -
et quand il ou elle ou eux tous ont fini, à bout de souffle, au-delà de l’émotion, boum -
on leur demande de recommencer,
de reprendre un coup la partition,
allez encore une fois le sanglot et l’extase, parce que c’était tellement bien fait ! encore un coup le pur délice, la même chose s’il vous plaît, chantez le nous pareil, si bien, après tout « morceau » veut aussi dire « petit bout », rendez-nous le même petit bout de musique,
Bien sûr tout le monde a peur de la mort, et toutes les tentatives de photographie ou de captation de tous les spectacles ou d’un seul visage aimé en août - certainement tout ça répond au fantasme du bis :
encore encore, que ça ne disparaisse plus ou jamais, au pire, qu’on l’isole
sur un fond de gala re-productible à l’infini - galerie des morceaux choisis de ma vie -
mais
demander de refaire, là tout de suite maintenant
sur la scène de l’opéra, au fond ça dit aussi :
on y a pas cru, à votre histoire.
Bisser c’est révèler l’artificialité du spectacle,
une artificialité dont tout le monde est conscient
mais dont il apparaît soudain ici qu’en vérité, personne n’en souffre.
Alors peut-être, c’est vrai ?
Ce qui émeut, ce qui fait taper des mains, ce qui dirige le désir, c’est la portion. Et la maîtrise.
La maîtrise d’une portion précise de notes et de langage, un passage obligé, difficile - reconnu.
Ceux qui refusent de bisser rêvent :
« Suivez-nous plutôt, encore un peu, entrez dans cette narration, arrêtez de tout découper en morceaux, entrez dans l’émotion collective d’un moment, si fragile. Oui, fragile : même au sein du bloc de granit, même au sein du grand paquebot de la Bastille ou de la Scala de Rome, fragile, comme encore au bord du quai en plein vent
avec l’odeur des cigarettes et le bruit des larsens qui nous distraient parfois,
ça ne tient pas à grand chose… »
(Autre personnage ) :
Oui mais au fond pardon : ce qui nous intéresse - pardon mais, c’est vrai, c’est ce fragment déjà connu, déjà un hymne, dont on sait qu’il est sublime parce qu’on l’a déjà entendu - et puisqu’on l’a déjà entendu - on va pouvoir être ému.
Je crois que le secret tient dans le fait que pour certains morceaux, quand c’est la première fois ce n’est pas la première fois, ou plutôt le secret tient dans le fait que certains morceaux se passent de première fois - ça c’est de la magie. Un paradoxe.
Alors d’accord.
(écoute)
La première fois que j’ai entendu ça, ce que j’ai compris c’est qu’il n’y aura jamais besoin de première fois pour que ça, cette musique, ça existe - ça a l’air d’exister toujours déjà, pour tout le monde. En l’écoutant, en accédant à la vidéo, je voyais bien que c’était un hymne, un presque hymne. Et que du coup, la première fois devait être déjà celle où je reconnaissais quelque chose.
J’ai demandé à Olivier, le directeur de la péniche, pourquoi ils avaient choisi ce thème pour les parenthèses- re- parenthèse- lectures : les hymnes. Il me dit : parce que ça relie. Relier - pas relire, quand même, enfin… C’était au moment du confinement et ils se sont demandés : qu’est-ce qui peut encore rassembler, être évident, qu’est-ce qui peut se chanter facilement, en choeur et - Pardon - Les paroles !
Les paroles, c’est :
(En essayant de comprendre)
« Va, pensée, sur tes ailes dorées ;
Va, pose-toi sur les pentes, sur les collines,
Où embaument, tièdes et suaves,
Les douces brises du sol natal !
Salue les rives du Jourdain,
Les tours abattues de Sion …
Oh ma patrie si belle et perdue !
Ô souvenir si cher et funeste !
Harpe d'or des devins fatidiques,
Pourquoi, muette, pends-tu au saule ?
Rallume les souvenirs dans le cœur,
Parle-nous du temps passé !
Semblable au destin de Solime
Joue le son d'une cruelle lamentation
Ou bien que le Seigneur t'inspire une harmonie
Qui nous donne le courage de supporter nos souffrances ! »
Temps de perplexité.
C’est l’histoire des hébreux, captifs à Babylone, exilés et menacés de morts.
Ils pleurent le pays natal qu’ils chérissent. Qu’est-ce qui est loin, qu’est-ce qui est proche ?
Verdi écrit la musique en 1842. Il a 29 ans, il vient de perdre ses deux enfants et sa femme. Moi j’ai 28 ans.
À l’époque l’Italie est occupée par l’empire Austro-Hongrois.
Première à la scala de Milan : à la fin du choeur tout le monde est debout.
Tous les italiens dans la salle de 1842 comprennent que les hébreux de Babylone sous Nabucco sont les italiens dans la salle maintenant.
Ils ne sont pas en exil à Babylone dans l’Antiquité, ils sont en exil intérieur en 1842 à Milan, c’est très différent et un instant, c’est la même chose.
Cet instant me trouble. Ils pleurent quelque chose qu’ils chérissent.
On peut appeler ça la liberté, le sentiment de disposer de soi-même et d’une vie qui vous convienne, d’être chez soi quelque part, c’est différent ou c’est la même chose ? Cette musique on - on ne sait pas si elle est triste si elle est gaie. Il paraît que c’est le fa mineur. « Ils pleurent quelque chose qu’ils chérissent ». Le temps est contradictoire. Les temps sont contradictoires. « Joue le son d'une cruelle lamentation / ou bien - il y a ce ou bien - / ou bien joue une harmonie qui nous donne le courage. »
Ou bien. Ping. Pong. Alors là, il y a une petite partie de ping pong transtemporel.
Dans les années 50, j’ai deux films qui reprennent cette scène, le souvenir de cette scène
Un premier film en 1954, Senso, de Visconti. Un deuxième film en 1957, Sissi face à son destin. Bon, c’est un peu deux salles, deux ambiances. Première scène : un opéra de Verdi présenté devant les autrichiens, des tracts en faveur de la résistance nationale italienne, dernière scène : Sissi impréatrice d’autriche entre dans la Scala de Venise, tous les nobles italiens ont envoyé leurs domestiques à l’opéra à leur place, ils se tournent vers elle, et chantent par rébellion, Va pensiero, de Verdi. Romy Schneider applaudit.
Est-ce que ça veut dire que les gens qui vont au cinéma dans les années cinquante, et qui regardent ces scènes qui sont des reprises, des relectures, est-ce que ça veut dire que tous ces gens ont le souvenir de 1842 - ou bien de Babylone ? Et est-ce qu’on sait si cette scène existe ? Est-ce que cette scène des Italiens bouleversés, elle a existé ? Elle a existé mais comment ? Il y a des souvenirs dans nos têtes que l’on a pas vécus, des trompettes, des élans, des requins, « Ils pleurent quelque chose qu’ils chérissent ». J’ai des souvenirs qui ne sont pas les miens. Va pensée, sur tes ailes dorées … Est-ce qu’on va garder un souvenir de maintenant ?
Les Italiens se lèvent
en 1842 dans l’histoire,
ou
en 1954 ou en 1957 dans les films et résistent
à l’Autriche qui les colonise,
les Hébreux chantent
dans l’opéra et
résistent
à Babylone qui les a fait esclaves,
je ne sais toujours pas comment entrer mais le rocher se fractionne peut-être en morceaux de rochers, des morceaux de falaise, ou des voix dans les voix et puis - ce qui est sûr- c’est que les Italiens de 1842 supplient pour un bis, alors j’écoute encore une fois le morceau -
L’enregistrement là date de 2011, c’est la direction musicale de Riccardo Mutti à l’opéra de Rome.
attends, il faut passer encore par une interruption.
(Re-enactment à l’oreillette de l’intervention Sibylle Veil -pour les voeux de Radio France)
« Bonjour à tous et à toutes
Alors je suis heureuse de vous retrouver ce matin pour ce moment convivial qu’est le moment des voeux. Je sais que certains d’entre vous veulent s’exprimer ce matin, ils sont venus nombreux. J’propose que vous le fassiez maintenant parce que j’ai un certain nombre de choses à vous dire et je pense que c’est important que le temps d’expression de chacun puisse être respecté et se faire, donc que ce soit les chanteurs du choeur ou d’autres qui voudraient intervenir, je propose de le faire dans un temps limité, maintenant, et qu’ils nous permettent de lancer cette matinée qui doit être conviviale, puisque à la suite des échanges qu’on aura ici y a un temps aussi dans les foyers où on pourra tous parler, et se voir plus directement. Est-ce que certains d’entre vous veulent donc intervenir maintenant ?
(silence)
Donc j’en conclus que je peux démarrer cette intervention et pouvoir vous dire c’que j’souhaitais vous dire et naturellement la première chose que j’voulais vous dire c’est de vous souhaiter à tous mes voeux pour vous et pour vos proches et vous souhaiter des bonheurs personnels parce qu’ils comptent dans la vie, et vous souhaiter également des satisfactions dans votre travail, puisque je sais que beaucoup d’entre vous, vous tous donnez beaucoup à cette maison,
Ces voeux interviennent
Dans un moment qui est difficile pour radio France,
2019 a été à la fois une année de grande fierté, de fiertés exceptionnels mais aussi une année de grandes inquiétudes, mais les tensions que nous connaissons depuis la fin de l’année dernière, encore aujourd’hui puisque on en est à plus de 36 jours de grève, ne doivent pas effacer les formidables succès qui sont les nôtres, mais avant de revenir sur ces succès, il me semble important et je pense que vous l’attendez tous, je souhaiterais m’exprimer sur le contexte sociale,
alors, ces dernières semaines, encore aujourd’hui, certains présentent, parlent de leurs inquiétudes pour leurs situations, situations personnelles, »
Suit le choeur de Radio France qui interrompt ces voeux paradoxaux.
Le choeur de Radio France interrompt les voeux de la nouvelle présidente de Radio-France en chantant Va pensiero en janvier 2020 en soutien à la grève contre la réforme des - mais vous avez compris - moi aussi j’interromps la musique.
En 2020, Va pensiero a été chanté plusieurs fois, flux, reflux, sur les marches de l’opéra de Paris, sur la scène de l’opéra de Lyon, par des choeurs grévistes ou en soutien aux grévistes contre la réforme des - mais vous avez compris.
Ces scènes sont presque toujours filmées, et dans les commentaires personne ne parle de l’indépendance italienne de Babylone en 1842. A tous, ce dont il est question semble clair : donc il y a toujours un secret évident, mais le secret n’est pas toujours le même.
L’évidence du secret n’appartient qu’à la vague de la situation.
Et les images de ces reprises furent reprises à leur tour dans des montages, en écho, en référence à quoi, cette fois, miroir de quelle scène soupçonnée, ou rêvée, et reconnue sans l’être ?
Dans l’eau, il y a plusieurs reflets.
Il n’y a pas d’hymne sans évènement mais ce n’est pas toujours le même évènement pour le même hymne. Ils pleurent « quelque chose » - qu’ils chérissent. Où est la première fois ? les hébreux font la passe aux italiens qui font la passe aux chanteurs et chanteuses qui font la passe au souvenir, mais lequel, tiré de quel choeur ou quel coeur sur quelles marches des rues et quand ? - parfois -
le ballon tombe à l’eau —
À l’origine, devait participer à cette re-lecture avec Emma et moi un ami, quelqu’un qui chante dans le choeur d’un opéra d’une ville française. Lui aussi avait chanté l’année dernière en manif avec ses collègues, en forme de résistance le Va pensiero, ô souvenir si cher et funeste. Il était d’accord pour venir et puis là, en fin de compte il était mal à l’aise avec le fait de le chanter tout seul dans ce cadre, après avoir évoqué le choeur de Radio France et les voeux de Sibylle Veil. Il disait :
Tout ça n’est pas si clair, après tout nous sommes aussi chanceux, c’est vrai, quel autre pays a accepté de prolonger les droits des intermittents avec la crise du coronavirus, de plus d’un an, vent debout, et moi je n’ai pas chanté sur la scène depuis six mois et j’ai été payé pourtant, par la maison, la casa, l’institution, c’est - tu vois ça me gêne mais- je ne sais pas si j’ai envie d’apparaître comme ça, après tout ça si cette histoire de revendication là, précisément, ça me convient maintenant, tu sais que si ça continue comme ça, les opéras devront fermer, dans quelques mois peut-être, tout cet argent perdu … Et puis faire d’un hymne militant un objet artistique isolé, récupérer juste une miette …/ Tu sais dans les choeurs les voix ont le droit de vieillir - Et comment est-ce qu’on peut accepter de dire qu’on serait des esclaves dans un état occupé, non mais- quand même : ça n’a rien à voir avec ce qu’on vit, ça a peut-être, ça peut avoir à voir mais ça n’est pas, vraiment pas la même chose, et finalement je ne sais pas si on l’avait si bien choisi, ce chant, ce jour-là de décembre, on l’a chanté et j’ai eu un doute, est-ce que ce n’était pas un symbole excessif, abusif, un peu illégitime pour la réforme des -, ce Va pensiero, est-ce qu’on n’avait pas choisi ça par facilité, tout simplement, comme un hymne, un truc que chacun avait sous la main en mémoire mais qui - je crois que j’aurais pu, j’aurais aimé chanter ça pour une autre cause, tu vois - peut-être, il est permis de se le demander - les raisons contradictoires tournoient dans son hésitation, amicale, inquiète, pendant notre coup de fil, il est permis de courir tout autour du granit, j’entends ça dans les vagues - , de toutes façons c’est un choeur pour différentes tessitures, tu sais il y a six voix, et ce qui est beau c’est l’addition des voix - les choeurs sont-ils plus politisés parce qu’ils sont plus fragiles, parce qu’on ne sait pas leurs noms ? je ne sais pas si on peut dire ça, ce que je peux te dire c’est que moi, je ne pourrais chanter que la mienne de voix, devant votre péniche, c’est-à-dire une partie seulement, une voix seulement, et nue, et d’ailleurs en vrai on chante tout bas. Une seule voix je ne sais pas quel sens ça a …/
C’est vrai. Ce qui est beau c’est l’addition des voix.
En isoler une c’est retour à la portion. Bis : case départ.
Mais -
on ne peut jamais tout entendre.
C’est « Ou bien, ou bien ».
Ce qui est différent de « en même temps ».
Quelqu’un qui refait, tout doucement, les gestes du chef d’orchestre Mutti.
et - ping, et pong - (un peu après le mec en gros bonnet)
ça, ce sont les gestes de Mutti, le chef d’orchestre qui dirige le choeur des esclaves dans la vidéo sur Youtube, donc, à Rome en 2011, comme je disais. En 2011, c’est l’anniversaire des 150 ans de l’indépendance italienne - plus d’Autrichiens, adieu Sissi, ciao Berlusconi,
Parfois le film ne montre pas ses gestes, il y a aussi des souvenirs perdus, sans bis, il faut interpréter - c’est ce que j’ai accepté de faire.
Mutti dirige le choeur des esclaves pour la deuxième fois, ce jour là,
Exceptionnellement il a accepté le bis
les gens l’ont demandé, comme en 1842, il y avait même eu des tracts avant comme dans Senso, et des gens debout face au prince comme dans Sissi,
puis quelqu’un a crié : Viva l’Italia !
Alors Mutti a fait taire les applaudissements, il s’est tourné vers la salle et vers Berlusconi, et il a dit :
Oui, je suis d'accord sur le « Vive l'Italie», seulement...
Je n'ai plus trente ans et donc ma vie est faite.
Mais, en tant qu'Italien, qui parcourt le monde, je suis très peiné par ce qui est en train de se passer.
C'est pourquoi si, à votre demande, je bisse le «Va pensiero», je ne le fais pas tellement ou pas uniquement pour des raisons patriotiques ...
Mais ce soir, tandis que le chœur chantait « Oh ma patrie, si belle et perdue » j'ai pensé que si nous tuons la culture sur laquelle reposent les fondements de l'Italie, à force de coupes budgétaires, notre Patrie, véritablement, sera belle et bien perdue.
Je voudrais, faisons une exception : nous sommes ici chez nous, dans le théâtre de la capitale ... Comme le chœur l'a chanté magnifiquement et que l'orchestre l'a très bien accompagné, voilà : si vous voulez vous aussi vous joindre à nous, faisons-le tous ensemble.
Pero a tempo !
Mais en mesure !
Ensuite (la musique re-démarre) il s’est retourné, l’orchestre a recommencé la musique, et là ils chantent tous ensemble, les chanteurs et la salle. Bien sûr, il y a des voix fausses, ce n’est pas réellement « a tempo ». Ils ont beau être italiens, les gens ne savent peut-être pas si bien les paroles, c’est le souvenir d’un souvenir, même si c’est vague, c’est exactement ça.
Moi, le vers qui me touche le plus c’est : « parle-nous du temps passé ». L’idée que « chez nous », ce serait simplement ça : des souvenirs et des échos.
Che ne infonda al pati-i-i-ire virtu …
Al pati-re-virtu … “